L’Eglise et l’arme nucléaire – Conférence de Mgr Antoine de Romanet

Intervention de Mgr Antoine de Romanet, Évêque aux Armées Françaises, lors des IXèmes assises nationales de la recherche stratégique, à l’École militaire, le 6 décembre 2018.

Mgr Antoine de Romanet, Évêque aux Armées Françaises
Mgr Antoine de Romanet, Évêque aux Armées Françaises

La guerre est la pire réalité que puisse connaitre l’humanité. Elle est volonté de puissance, domination, orgueil, égoïsme, mépris du frère, mépris de la vie. Nous sommes en communion totale avec Haïm Korsia, « grand témoin » de ce matin à mes côtés, sur cet interdit fondamental : « tu ne commettras pas de meurtre ».

Redisons-nous très simplement quelques éléments de fond :

Les militaires détestent la guerre. Parce que c’est eux qui la font ils savent ce qu’elle est.

La force est là pour désamorcer la violence, les armes n’ont jamais rien réglé.

La solution est toujours politique, vient toujours de la rencontre, de l’échange, du dialogue, de l’écoute, de l’ouverture, du décentrement, de la prise en compte de l’autre en tant que frère, et de la recherche du bien commun plus que la somme des intérêts individuels.

Avec une ultime vraie question : pourquoi se fait-on la guerre ? Le socle commun qui nous unit, c’est ce premier commandement de la Bible « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute force et ton prochain comme toi-même ».

Le sujet est beaucoup trop sérieux pour supporter angélisme ou irénisme. Nous sommes au cœur du dialogue entre l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. Le fait est que la question est extraordinairement complexe. Elle est globale. Car tout est lié.

En travaillant le sujet depuis quelques mois, deux phrases m’ont particulièrement marqué. L’une attribuée à Einstein disant « Je ne sais pas comment la troisième guerre mondiale sera menée, mais je sais comment le sera la quatrième : avec des bâtons et des pierres ». L’autre, non-sourcée : « Si vous mettez le nucléaire hors-la-loi, seuls les hors-la-loi utiliseront le nucléaire ».

Le nucléaire militaire est comme l’un des engrenages d’une immense horloge dont beaucoup d’éléments ne sont pas directement visibles. Il y a donc une question de focale.  Il faut prendre le sujet à bon niveau, dans sa globalité et son caractère holistique.

Ce qui est marquant c’est que le Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires (TNP, 1968) a été signé par tous les Etats du monde à quatre exceptions près (Inde, Pakistan, Israël, Corée du Nord). Son article 6 stipule que tous souhaitent aller vers un désarmement concerté, et général. Ainsi la question n’est pas tant celle du but que celle du chemin pour y parvenir.

Le Pape François dans un texte très inspirant, l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium (« La joie de l’Évangile », 2013), nous offre des clefs de discernement : Il décrit quatre principes fondamentaux qui peuvent nous éclairer ici comme dans beaucoup d’autres domaines.

Le premier : le temps est supérieur à l’espace. Il faut entrer dans une intelligence historique afin de créer les conditions d’un possible désarmement, voir les choses dans le temps long en termes de processus. Il s’agit pour le Pape d’une démarche prophétique et de l’ouverture d’un chemin. Il est convaincu que le temps long œuvre à la construction du bien commun, qu’il est supérieur aux décisions de pouvoir qui visent un présent aussi immédiat qu’éphémère. La pensée du Pape est ainsi profondément habitée par cette dimension réaliste de patience, de maîtrise du temps et de constance. Rien ne se fait dans l’instant.

Le deuxième : l’unité prévaut sur le conflit. C’est aussi l’axe central de l’encyclique Laudato si’ (« Loué sois-tu, 2015 ») : tout est lié, la paix est indissociable de la justice. Pourquoi a-t-on envie de se battre ? L’arme est une chose, les raisons de l’utiliser en sont une autre. Depuis que l’Homme est Homme, on n’a jamais vu de retour en arrière dans le domaine des technologies. Il importe de réfléchir en profondeur aux dangers du nucléaire, d’aller plus en amont afin de désamorcer non pas tant la bombe que le cœur de l’Homme qui voudrait l’utiliser. Pourquoi voudrais-je exterminer des millions d’êtres humains ? L’arme nucléaire nous fait prendre conscience avec vigueur et gravité que nous vivons tous sur la même planète.

La troisième idée forte d’Evangelii Gadium : la réalité est plus importante que l’idée. Considérer l’évolution de la situation stratégique et l’évolution des moyens de défense est ici décisif. Il ne s’agit pas d’énoncer des pétitions de principe ou des indignations « hors sol », mais de dégager un chemin concret et réaliste à partir de ce qui est. Ce qui se trouve sous la surface lisse de l’information ouverte, c’est la guerre économique et financière, d’influence et d’espionnage. Il ne s’agit pas de parler ex nihilo, mais de la vérité des rapports de forces de ce monde et des réalités de la nature humaine.

Enfin, le quatrième principe : le tout est supérieur à la partie. Considérer le nucléaire dans sa dimension globale, holistique, sans le détacher artificiellement de l’ensemble des réalités militaire, politique, économique, culturelle des peuples et de leurs histoires. Il est impératif de comprendre à la fois les contextes américain, russe et chinois, et d’admettre les différences civilisationnelles d’une puissance à une autre. C’est l’image du polyèdre que prend le Pape. Il nous invite à envisager une approche globale sans plaquer nos concepts occidentaux. À acquérir une vision intégrale de l’homme au-delà des aspects matériels et techniques, philosophiques, psychologiques, voire psychanalytiques, et non se réduire à une réflexion hexagonale. Il y a une réalité de l’homme intégral : Corps, Âme et Esprit, menant un combat spirituel à l’intime de son cœur.

Nous sentons tous le défi d’éclatement et de séquençage de notre époque. Qu’il s’agisse de l’agriculture, de la finance, de la médecine ou des armées. L’un conçoit, l’autre fabrique. L’un transporte, l’autre charge. L’un vise, l’autre nettoie. Cela se vérifie autant pour les armes que pour les productions financières. Autant pour les produits chimiques que pour les diagnostics médicaux. Le drame c’est que trop souvent chacun est le spécialiste d’un maillon, et que plus personne ne comprend la chaîne, le sens global. Ni d’où l’on vient, ni où l’on va.

Il nous faut parvenir  à une réflexion globale, complexe, multiple, tant le tout est supérieur à la partie. Cela a été parfaitement souligné par deux colonels chinois, Qia Liang et Wang Xiangsui, dans un ouvrage paru en 2003, La guerre hors limites (Paris, Payot et Rivages, 318 pages) : « le terrain de la guerre a dépassé les domaines terrestres, maritimes, aériens, spatial et électronique pour s’étendre au domaine de la sécurité, de la politique, de l’économie, de la diplomatie, de la culture et même de la psychologie. Désormais, ces différents espaces s’interpénètrent. Les stratèges du futur seront ceux qui sauront le mieux combiner, étudier et maitriser les différents domaines à disposition ».

Dans cet état du monde, c’est la tâche de l’Église catholique de prendre le risque de sembler être un peu en dehors de l’histoire, d’être idéaliste, ce faisant d’adopter des positions pouvant faire avancer des choses sur le très long terme.  Nous sentons tous le danger d’être dans une tranquillité mortifère sur un sujet explosif : une saine intranquillité, un saint questionnement, est de nature à maintenir une vigilance décisive pour le sort de notre planète toute entière.

L’important, c’est de ne pas se tromper dans l’évolution de la situation stratégique. A l’heure actuelle la question n’est pas tant l’existence de l’arme nucléaire que l’évolution préoccupante de ses doctrines d’emploi. L’urgence actuelle est d’obtenir que les armes nucléaires demeurent cantonnées à une logique de dissuasion au sens strict, ce qui serait déjà un point considérable.

L’Église porte une vision à long terme dans une dimension prophétique. Aux gouvernements incombe la charge de gérer le présent et d’allier au mieux éthique et stratégie. À nous, le questionnement, certainement pas l’injonction de court terme ! À nous, l’humilité de poser des questions en acceptant que cela s’inscrive dans un cadre extrêmement large dont nous n’avons pas, les uns et les autres, aucun d’entre nous, l’ensemble des éléments dans notre main.

Au centre, il y a toute la queston de la transformation des Relations Internationales. L’Église ne peut se contenter d’une logique binaire opposant coopération et dissuasion. Elle ne peut pas simplement fixer un but sans se préoccuper de la route pour y parvenir. Il est à peu près clair pour tous qu’un désarmement nucléaire unilatéral serait un chemin extrêmement dangereux exposant aux menaces les plus radicales. On ne peut non plus faire l’impasse d’une réflexion morale sur la nature démocratique ou non des Etats. Sinon, et au risque de me répéter, la réalisation de l’ambition morale de l’Église reviendrait à ne laisser des armes nucléaires qu’aux dictatures. Allons au fond des choses, de manière simple et forte : il n’y a pas de paix sans justice et pas de justice sans paix.

Rien ne se fera sans ce que nous appelons dans notre vocabulaire : « la charité ».  Je crois que nous partageons tous la même vision tenant la guerre pour immorale, sauf cas très limités de légitime défense face à une attaque où les besoins vitaux sont directement menacés. Et même dans ce cas, certaines pratiques sont de l’ordre de crimes de guerre.

Il y a aussi toujours le risque d’étendre le champ de ses besoins vitaux dans la légitimation de la guerre : la question de l’accès à l’énergie ou à l’eau peuvent être trop facilement utilisées au profit d’une politique de force. Rappelons-nous, sans nous lasser, et selon les mots même du Concile Vatican II, que tout usage de moyen de destruction massive et indiscriminé, que tout usage d’armes aux effets meurtriers irresponsables doit être condamné avec la plus grande fermeté. Nous sommes bien ici dans une logique de distinction absolue entre dissuasion et emploi. Il est étonnant de constater combien nombre de déclarations, écrits, prises de parole… mélangent allègrement dissuasion et emploi, en « baladant » entre ces deux pôles induments confondus des concepts éthiques qui se perdent dans une réflexion devenue folle, ne sachant plus sur quel registre elle se situe.

La paix et la sécurité ne sont jamais acquises. La seule possibilité pour construire la paix c’est le dialogue entre les pays. La vraie garantie de la paix et de la sécurité internationale c’est l’accès de tous, en particulier des plus pauvres, au développement et à la protection des droits fondamentaux. C’est tout le sens du texte fondateur de Pape Paul VI, Populorum Progression : « Le développement est le nouveau nom de la paix », ce qui s’articule avec la primauté du droit et avec l’ouverture à une sincère coopération. La paix est une responsabilité collective de toutes les nations.

La situation du monde ne peut dépendre de la seule évaluation de quelques-uns mais relève d’une concertation universelle. Tout ceci n’a guère de sens si cela reste confiné à un pays démocratique comme la France, ni même au monde occidental. Le vrai lieu où se déroule actuellement le débat de la dissuasion nucléaire se trouve principalement en Asie : en Inde, au Pakistan, en Iran, en Corée du Nord, où toutes les familles de pensées locales s’accordent sur le fait que l’arme nucléaire est une garantie de sécurité et de paix. Suivant par-là, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne et la France.

C’est donc principalement en direction de ces puissances régionales qui ont fait ce choix ou sont en voie d’accéder au nucléaire que doit se porter le débat sur les conséquences et la fiabilité d’un système de dissuasion nucléaire, sur les mécanismes de garanties collectives qui pourraient voir le jour.

D’un point de vue plus théologique, la situation présente du monde est marquée par l’extrême inégalité entre les nations et les populations, par la misère à laquelle sont confrontées des populations entières, alors que les ressources pour une vie digne pour tous sont objectivement disponibles. Affectée aussi par le cynisme politique des États puissants qui imposent par le rapport de forces leur hégémonie dans leur seul intérêt, n’hésitant pas à faire usage des armes et de la violence. Ceci doit être dénoncé comme une situation de péché, que l’on peut désigner ici sous le nom de « péché structurel ».

Une piste semble intéressante : agir au plan international et interreligieux par la prise de conscience que « tout est lié ». Nous voyons bien qu’il faut désarmer les cœurs avant d‘envisager de désamorcer les armes de guerre. D’une certaine manière, le nucléaire accule l’humanité à une conversion morale et à une nouvelle approche des Relations Internationales. S’il est une chose qui caractérise notre temps c’est cette notion de mondialisation/globalisation : nous sommes tous absolument interdépendants. Ainsi le nuage de Tchernobyl n’a-t’il pas demandé de visa pour passer les frontières ! Les questions les plus décisives de notre humanité nous sont en commun : la démographie, l’eau, l’air, les ressources naturelles, le climat, la biodiversité… Dans la vision chinoise des choses, la Terre n’est pas d’abord un objet mais un sujet. Nous la partageons ensemble, de la manière la plus totale. Claudie Haigneré relate que vue depuis la navette spatiale en orbite, la Terre semble une réalité toute petite et incroyablement fragile, perdue au milieu de l’univers.

Cette conscience émerge de manière forte : nous sommes tous absolument liés, tout est lié comme jamais. La dimension nucléaire participe de cet ensemble. Le nucléaire n’est pas un sujet à part, il est totalement intégré à l’ensemble des sujets les plus essentiels de l’humanité. La seule voie du désarmement est de sortir de la logique du rapport de force pour passer à une logique de coopération. La construction européenne à laquelle nous avons assisté durant notre dernière génération est une voie qu’on pourrait espérer à l’échelle du globe. Le détricotage actuel et le Brexit laissent évidemment songeur sur ce registre.

Un puissant mouvement interreligieux serait ici particulièrement fécond. 9 États sont dotés de l’arme nucléaire : 5 officiellement et 4 en plus dans les faits. D’une certaine manière, « on a une bombe par religion ». La catholique à Paris, dans la tradition française qui est la nôtre ; l’anglicane à Londres; la chrétienne évangélique à Washington ; l’orthodoxe à Moscou ; la bombe juive à Tel Aviv; la sunnite à Islamabad ; l’hindoue à New Delhi; la sagesse confucéenne chez nos amis chinois.  Et si le dialogue interreligieux s’emparait du sujet, si nous nous disions « parlons-nous ensemble, nous portons tous dans le cœur l’envie du meilleur, nous voulons tous le bien, le vrai, le beau, le juste. Nous voulons la fécondité, nous voulons l’épanouissement, nous voulons le respect de l’autre. Quand nous allons chacun au plus profond de nous-mêmes nous partageons les valeurs les plus essentielles ».  En tant qu’aumôniers en chef des Armées, ce dialogue nous l’avons à chaque fois que nous nous rencontrons à deux, à trois ou à quatre, entre le musulman, l’israélite, le protestant et le catholique que je suis.

Quelles avancées si nous pouvions établir un dialogue en commençant par exemple avec nos frères orthodoxes. J’ai dit cela récemment à un confrère évêque : « Ce serait sans doute une bonne idée » et lui me répondre : « Mais tu n’y penses pas, quand on voit la situation de l’orthodoxie aujourd’hui, fragmentée entre treize patriarcats ». Ce à quoi j’ai répondu : « Tu es formidable, tu voudrais que nous fassions des injonctions à nos gouvernements de se parler entre eux, là où entre chrétiens nous serions incapables de nous parler » !

Il est clair que nous raisonnons à « très long terme ». Nous sommes dans une dimension centrale de culture du fond des cœurs et du fond des consciences sur lesquelles la culture religieuse peut se déployer. La plupart des religions du monde sont directement liées aux cultures nationales qui les portent, tandis que d’une manière assez unique l’Église Catholique Romaine se situe dans une dimension résolument transnationale.

J’ai eu la chance de passer quinze ans de ma vie d’adulte à l’étranger. J’ai toujours été frappé de constater combien les Eglises sont enracinées dans une culture très locale qui tend vite à les enserrer : les évangéliques américains, les protestants allemands…  ce danger « permanent » existe pour tous. Quand le Pape Benoit XVI en 2008 vient aux Etats-Unis, il sort les catholiques américains de leur torpeur et de leur caractère enfermé dans une logique américaine devant s’étendre au reste du monde, pour leur déclarer « Mes amis, raisonnez plus large, raisonnez plus loin, raisonnez plus haut ». Cela peut être une matrice essentielle avec tous les hommes de bonne volonté pour que nous puissions essayer de faire avancer le sujet.

J’ai évoqué tout à l’heure : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et ton prochain comme toi-même ». Au fond nous savons tous que dans nos cœurs nous sommes faits pour aimer et pour être aimés, c’est notre aspiration de vie la plus fondamentale. Or c’est compliqué, parfois très compliqué. Le mot aimer en français est terriblement réducteur. Si j’aime l’autre comme le chat aime la souris, ce n’est pas vraiment une bonne affaire pour celui que j’aime. Plus prosaïquement, si j’aime l’autre comme j’aime le chocolat c’est pour le détruire à mon profit.

Il y a trois mots grecs qui expriment cette réalité : Eros, Philia et Agape.

Eros c’est l’amour qui prend. C’est la pulsion, l’élan vital, l’attirance, le désir, la captation de l’autre pour soi, l’autre pour moi dans une logique de pure puissance. « On lâche les freins et on saisit tout ce que l’on peut saisir ».

Philia c’est l’amour qui partage. C’est le souci de l’autre, la solidarité. La philia est réciprocité ou elle n’est pas. La philia ce sont les accords de désarmement américano-soviétique ou américano-russe. « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette », « tu m’invites à diner je t’invite à diner », « Tu ne me fais pas de mal, je ne te fais pas de mal ». C’est le côté basico-basique de l’Humanité qui essaie de vivre sans trop d’anicroches.

Agape c’est la charité dont je parlais tout à l’heure. C’est l’amour qui donne, un amour universel, sans contrepartie, en pure gratuité. Il est le bonheur de donner et de se donner. L’agape n’attend rien pour lui-même, il est tout entier dans le don à l’autre. « Moi pour l’autre ».

l’Eros, c’est l’état de nature. « Moi, moi, moi et les autres après s’il en reste. ». Je pense que beaucoup l’on constaté avec les enfants pendant leur éducation, et les États sont aussi un peu sur ce registre. Nous voyons bien aussi que des questions d’honneur et de dignité sont à l’origine des conflits. Sur ce sujet, Dominique Moïsi et sa géopolitique des conflits est éclairant. Nous le savons bien, la dimension psychologique est essentielle. L’Eros c’est le retour d’un déploiement d’une animalité, qui n’a rien de négatif en soi quand elle est bien intégrée mais qui peut aussi être redoutable et destructrice.

La Philia c’est la réciprocité bien comprise : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, si vous faites du bien à ceux qui vous en font… quel mérite avez vous ? » nous interroge l’Evangile. C’est la situation où nous nous trouvons plus ou moins depuis 25 ans accompagnée de progrès significatifs dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération.

L’Agape c’est le nom divin de l’amour, cela porte le beau nom de charité au sens le plus fort et le plus sublime. Et nous sommes ici au cœur même de la spécificité biblique qui n’est pas d’abord faite d’interdit ou de condamnation, mais avant tout d‘un appel à aimer.

Nous voyons bien ici que c’est à une conversion radicale à laquelle nous sommes appelés. La Philia, c’est cet état stationnaire, incertain, instable, mais qui permet un minimum de coexistence. L’Eros c’est ce qui conduit au drame de ce que nous n’avons que trop connu au long du 20e siècle et à l’horreur absolue lorsque j’entends écraser et exterminer mon frère. L’Agape c’est ce que nous portons tous dans nos cœurs et c’est  ce qu’en homme de bonne volonté, nous donnant la main les uns aux autres, nous avons la charge et la mission de faire progresser, pour nous-même et pour les générations qui viennent.

Antoine de Romanet

Evêque aux Armées Françaises